Découvrez le rôle central des mitochondries dans nombre de troubles fonctionnels et maladies chroniques
Remise en lumière par les nombreux cas de fatigue chronique post-Covid 19, la physiopathologie mitochondriale est au cœur de bien plus de pathologies chroniques qu’on ne le pensait auparavant.
Si les étiologies diffèrent entre les termes de maladie mitochondriale primaire (PMD) et dysfonctionnement mitochondrial secondaire (SMD), les mécanismes pathogéniques convergent, ouvrant un champ de compréhension et de perspectives pharmacologiques, comportementales ou de supplémentation nutritionnelle.
Fruit d’une évolution symbiotique entre un organisme procaryote et des protéobactéries, les mitochondries sont indispensables à la respiration cellulaire de nos cellules eucaryotes (exception faite des globules rouges).
De manière éminemment symbolique, notre environnement chimique, nos modes de vie et d’alimentation « étouffent » progressivement ces extraordinaires métabolites pourtant issus d’une adaptation sans pareil dans un monde hostile il y a environ 1.5 milliard d’années (1).
Dans cet article, je vous propose une plongée dans les abysses des pathologies mitochondriales et une remontée par palier avec des solutions qui nécessitent une connaissance fine des multiples facettes des fonctions mitochondriales.
SOMMAIRE
DE L'INADAPTATION PROGRAMMEE DE NOS MITOCHONDRIES : LES FACTEURS GENETIQUES ET ENVIRONNEMENTAUX
L'origine génétique des maladies mitochondriales
Dans la définition médicale, les maladies mitochondriales primaires (PMD) constituent un groupe de troubles métaboliques héréditaires c'est-à-dire liés à la transmission de gènes parentaux défectueux.
Les malades souffrant de PMD présentent des mitochondries qui ne fonctionnent pas correctement à cause de mutations de l'ADN mitochondrial (ADNmt) ou de gènes appartenant à l'ADN nucléaire (ADNn) qui codent pour les composants mitochondriaux.
Ce terme regroupe une centaine de maladies génétiques individuelles affectant la fonction mitochondriale, en particulier la phosphorylation oxydative (oxphos) et la production d'énergie. La prévalence estimée de ces troubles varie de 2,9 à 20 cas pour 100 000 (2).
Il nous faut rappeler à ce stade que la mitochondrie comporte son propre matériel génétique, l’ADNmt, composés de 37 gènes hérités de l’ovocyte maternel qui codent pour certaines protéines nécessaires à la production d’énergie sous forme d’adénosine triphosphate (ATP).
Le fonctionnement de la chaîne respiratoire mitochondriale repose en effet sur un ensemble de cinq complexes enzymatiques, dont la synthèse et le contrôle dépendent à la fois de l’ADN nucléaire et de l’ADNmt.
Ainsi les PMD sont caractérisées par une phosphorylation oxydative défectueuse à l’origine d’un manque de production d’énergie très manifeste au niveau des tissus les plus dépendants sur le plan énergétique :
Les muscles squelettiques,
Le cœur,
Le système nerveux périphérique et central,
Les yeux,
Le rein,
Et les glandes endocrines.
Citons à titre d’exemple de PMD, le syndrome de MELAS qui associe myopathie mitochondriale, encéphalopathie, acidose lactique et pseudo-épisodes vasculaires cérébraux (ou « Stroke-like ») (tableaux neurologiques aigus ressemblant à des accidents ischémiques cérébraux), le MIDD Maternally Inherited Diabetes and Deafness qui est une forme de diabète avec surdité de transmission maternelle ou encore la NOHL ou neuropathie optique héréditaire de Leber .
Par ailleurs certains dysfonctionnements mitochondriaux secondaires (SMD) peuvent être causés par des gènes ne codant pas pour la fonction ou la production des protéines oxphos mais qui accompagnent de nombreuses maladies héréditaires non mitochondriales.
Il apparaît de plus en plus admis, qu’un oxphos défectueux peut être causé par une biosynthèse mitochondriale anormale due à des mutations héréditaires mais également acquises de l'ADNn ou de l’ADNmt.
Le caractère acquis des pathologies mitochondriales secondaires : les facteurs environnementaux chimiques, comportementaux et infectieux
Ainsi ces dernières années, les chercheurs ont émis l’hypothèse que les nombreux cas de dysfonctionnements mitochondriaux secondaires (SMD) pouvaient également être dus à des causes non héréditaires telles que des facteurs environnementaux ou infectieux créant un véritable cercle vicieux dans le dysfonctionnement mitochondrial et l’émergence de maladies chroniques (3).
Sachant que le génome mitochondrial ADNmt présente un taux de mutation beaucoup plus élevé que l'ADNn (localisation de façon libre dans la matrice mitochondriale, absence d'histones, système de réparation limité), les nombreuses espèces radicalaires de l'oxygène (mtROS) générées par la chaîne de transport d'électrons sont susceptibles de causer des dommages mitochondriaux « pérennes ».
Par ailleurs, au-delà d’un oxphos défectueux, toute perturbation de la fonction génomique et protéique de la mitochondrie est susceptible d’évoluer en SMD.
En effet, en fonction du capital mitochondrial individuel, fruit de facteurs génétiques maternels, mais également de divers facteurs environnementaux, comportementaux ou infectieux, on verra apparaître des troubles non spécifiques mais en miroir avec les processus cellulaires dépendants de la mitochondrie altérés tels que :
L'homéostasie du calcium et la signalisation neuromusculaire,
La signalisation redox et la réponse immunitaire,
La β-oxydation des acides gras et l'homéostasie métabolique,
Mais également la production de phospholipides et de neuromédiateurs, la biosynthèse des pyrimidines et de l'hème ou encore de métabolites utiles à la machinerie épigénétique.
Environnement chimique et dysfonction mitochondriale
De nombreux agents chimiques affectent le fonctionnement mitochondrial et constituent un déterminant environnemental à prendre désormais en considération dans tout SMD lors d’expositions chroniques ou répétées.
À ce titre, les SDHI (Inhibiteurs de la Succinate Déshydrogénase) sont une famille de fongicides inhibiteurs de la respiration mitochondriale conçus dans les années 80, et de plus en plus utilisés en agriculture (4).
De récentes études scientifiques, qui porte sur les SDHI, établissent des liens entre ces pesticides et le risque de maladies neurodégénératives (5). Si les SDHI bloquent l’oxphos au niveau du complexe II de la chaine respiratoire, d’autres fongicides ciblent le complexe III, ou encore l’ATP-synthase. D'autres pesticides notamment organophosphorés ainsi que des contaminations aux mycotoxines sont associés à un dysfonctionnement mitochondrial et à un syndrome de fatigue chronique.
Toujours au niveau de la phosphorylation oxydative, l’acétaminophène/paracétamol inhibe le complexe I (6), tout comme de nombreux anesthésiques volatiles ou encore le propofol (inhibition des complexes I/II/IV), les barbituriques (complexe I) ou les benzodiazépines (complexes I/II/III) (7).
D’autres substances interfèrent avec le cycle de l’acide citrique (TCA) telle que la metformine, l’alcool ou une exposition à des éléments traces métalliques ETM (mercure Hg, arsenic As, aluminium Al, antimoine ou encore le fer et le zinc en cas d’excès).
Enfin en raison du rôle indissociable des hormones thyroïdiennes dans la biogenèse mitochondriale, tous les polluants antithyroïdiens sont des agents indirects de dysfonction mitochondriale.
Modes de vie, alimentation et dysfonction mitochondriale
La fonctionnalité des mitochondries peut être perturbée par un taux d’oxygène tissulaire insuffisant dû à une ischémie, une anémie, un manque d’activité physique aérobie.
La sédentarité par effet hypoxique ou le stress responsable d’une hyperconsommation électrolytique adaptative peuvent participer à la perturbation de l’homéostasie calcique et du NO (oxyde nitrique) nécessaire à la bonne signalisation neurologique ou endothéliale.
Par ailleurs, le rôle des mitochondries dans les métabolismes énergétique, glucidique et lipidique peut être largement dégradé en cas d'alimentation insuffisante ou excessive en substrats énergétiques, par manque de cofacteurs du TCA et de coenzymes de la chaîne de transport d'électrons ou encore par excès d'agents avancés de glycation AGEs exogènes caractéristiques de l'alimentation transformée.
Découverte plus récente dans l'étude de la dysfonction mitochondriale, les résultats indiquent que la respiration aérobie mitochondriale et la glycolyse diminuent en présence excessive d'AGE (exogènes mais également endogènes en cas d'hyperglycémie ou diabète de type 2) tout autant que le potentiel membranaire mitochondrial et l'expression des complexes de chaînes respiratoires mitochondriales I/II/III/IV/V (8).
Certaines fonctions remplies par la mitochondrie telles que l’effet découplant (protéines UCP2) et la thermogenèse, ou encore le potentiel de membrane et la dynamique mitochondriale (fusion/fission adaptatives) dépendent en effet de sa composition en protéines transmembranaires et glycérophospholipides (notamment les cardiolipines au niveau de la membrane interne) potentielles cibles des adduits de glycation.
▶️ Plus d'informations sur cette notion dans notre article Signalisation lipidique et régulation immunitaire - volet 2
Toute mitochondrie dysfonctionnelle entraîne un processus protecteur de mitophagie (dégradation des mitochondries défectueuses par autophagie, à ce propos se référer aux travaux du prix Nobel de médecine 2016) et les tissus humains peuvent contrecarrer les défauts d'oxphos en stimulant la mitogenèse (biosynthèse de nouvelles mitochondries).
Néanmoins, au-delà d'un certain déséquilibre, la mort cellulaire (apoptose) se généralise (9).
Des mutations de l’ADNmt « acquises » au cours du temps sont aujourd’hui largement étudiées en tant qu’origine d’une expression différentielle de gènes de la phosphorylation oxydative notamment dans la pathogenèse des maladies neurodégénératives, métaboliques et cardiovasculaires.
Le manque d’activité physique aérobie,
La dénutrition, notamment associée à la sarcopénie du vieillissement,
Les carences en zinc, (à noter que le zinc en excès peut être à l'origine d'un blocage du TCA), fer, cuivre, magnésium, en vitamines B1 (déplétion iatrogène en cas d'alcoolisme) et B3, en acides aminés et dipeptides tels que la L-carnitine dont la source principale est la viande rouge,
L'excès d'alimentation transformée,
Les résidus de pesticides dans l’alimentation,
Et dans certains cas les médications et/ou anesthésies répétées.
Voici autant d’éléments qui fragilisent notre capital mitochondrial (10).
Exposition infectieuse et dysfonction mitochondriale
Les mécanismes mitochondriaux tels que les voies métaboliques, le métabolisme des acides aminés (besoins d’arginine, glutamine, sérine, glycine, tryptophane), la production de mtROS, la perméabilité, la dynamique mitochondriale et la mitophagie sont indispensables aux fonctions immunitaires de l’organisme.
De façon plus détaillée, la mitochondrie est nécessaire à la polarisation des macrophages, à l’activation et mémorisation des lymphocytes T, à la signalisation anti-virale (MAVS mitochondrial antiviral-signaling protein) (11).
De multiples agents pathogènes affectent la dynamique et les fonctions des mitochondries pour influencer leur survie intracellulaire ou échapper à l'immunité de l'hôte :
▶️ Ainsi le virus de la dengue ou l’infection à chlamydia favorisent la fusion mitochondriale tandis que le virus de la grippe influenza A induit des phénomènes accrus de fission.
La dérégulation des processus de la dynamique mitochondriale entraîne une diminution de la capacité oxydative par volume mitochondrial.
Le métabolisme mitochondrial peut également être affecté par des infections bactériennes et virales :
▶️ Ainsi les mycobactéries bloquent le TCA, le virus de l’hépatite C active la β-oxydation, le poliovirus inhibe le complexe II.
Enfin alors que dans certains cas, les bactéries et les virus induisent l’apoptose (c’est le cas du virus influenza A ou Helicobacter pylori), dans d'autres, la mort cellulaire est inhibée, ce qui favorise la prolifération bactérienne et virale intracellulaire (12).
En retour, le dysfonctionnement mitochondrial est le principal activateur des inflammasomes NRLP3 à l'origine d'une amplification délétère des processus inflammatoires à l'origine d'un cercle vicieux ou d'aggravation de l'état du patient infecté (septicémie, tempête cytokinique du SARS-CoV-2).
L’implication microbiologique d’infections avérées ou persistantes dans la survenue d’un syndrome de fatigue chronique SFC (13), d’intolérance systématique à l’effort ou encore les nombreux troubles neurovégétatifs ou anxieux post-infectieux semble médiée par cette perte de capacité ou détournement de la mitochondrie à remplir son rôle majeur dans la fonction immunitaire.
Rappelons que le capital mitochondrial est individuel, somme de facteurs génétiques, épigénétiques précoces et bien entendu acquis par notre mode de vie, ce qui, dans l'immense majorité des personnes, sous-entend des leviers de prévention ou même d'action.
▶️ Plus d'informations sur cette notion dans notre article Covid-long : compréhension et soutien des symptômes post-covid-19
DES MALADIES MITOCHONDRIALES PRIMAIRES (PMD) AUX SIGNES CLINIQUES DES DYSFONCTIONNEMENTS MITOCHONDRIAUX SECONDAIRES (SMD)
Avec les récents progrès des tests génétiques et génomiques, certains marqueurs fonctionnels (taux de lactate dans le plasma, rapport lactate/pyruvate, taux sériques de proline et d’alanine, d’acylcarnitine, profil en enzymes antioxydantes endogènes), l'imagerie, la biopsie musculaire, le dysfonctionnement mitochondrial est reconnu comme étant encore plus complexe et répandu qu'on ne le pensait à l'origine.
La phosphorylation oxydative (oxphos) défectueuse des PMD
De par le rôle important joué par les mitochondries dans la production d'énergie via le système de phosphorylation oxydative (oxphos) et le cycle de Krebs (ou cycle de l’acide citrique TCA), dans leurs formes primaires, les maladies mitochondriales sont liées à des carences de production intracellulaire d’énergie dont les symptômes majoritairement neuromusculaires peuvent apparaître de manière isolée ou combinée, à tout âge mais avec une augmentation caractéristique du nombre d’organes atteints avec le temps.
Ce modèle génétique a permis d’établir toute la cartographie fonctionnelle de la fonction mitochondriale et d’offrir un nouvel angle de compréhension des maladies chroniques associées aux dysfonctionnements mitochondriaux :
Syndrome de fatigue chronique (ou Syndrome d'Intolérance Systémique à l'Effort),
Diabète de type 2,
Maladies cardiovasculaires et neurodégénératives,
Maladies auto-immunes,
Troubles endocriniens
Et infertilité.
Les multiples visages des SMD
Ainsi les maladies mitochondriales, dans leurs formes secondaires, peuvent également résulter de cette sensibilité tissus-dépendante à une phosphorylation oxydative défectueuse.
C’est le cas des cellules bêta pancréatiques productrices d'insuline ce qui lie fortement le diabète et les désordres métaboliques en général aux dysfonctionnements mitochondriaux.
Il existe également des preuves que l'oxphos défectueux joue un rôle important dans l'athérogenèse, dans la pathogenèse de la maladie d'Alzheimer, de la maladie de Parkinson et du vieillissement (14).
Mais outre la respiration cellulaire, d’autres fonctions mitochondriales peuvent également être la cible de facteurs environnementaux ou infectieux orientant la symptomatologie en fonction du dommage mitochondrial vers des tableaux :
De fatigue chronique en cas de déficit énergétique par altération des voies du pyruvate, de la β-oxydation des acides gras, du TCA (en plus de l'oxphos),
De réponse immunitaire inadaptée (immunosénescence ou rupture de tolérance) en cas de modification de la dynamique mitochondriale, du métabolisme du tryptophane, du potentiel de membrane, de la signalisation antivirale MAVS aboutissant à une « perméabilité » mitochondriale et libération d’ARNmt provoquant une défense immunitaire majorée ou mal modulée,
De santé mentale en cas de ralentissement du TCA (déficit en GABA, mélatonine), et perturbation de l’homéostasie calcique,
D’infertilité en cas de blocage des étapes limitantes de la translocation du cholestérol dans la machinerie mitochondriale de production des stéroïdes.
Quelque soit la fonction majoritairement mise à mal, la production excessive de mtROS et la perte de capacité à éliminer des mitochondries dysfonctionnelles (mitophagie) et à se renouveler (mitogenèse ou biogène mitochondriale), constituent des sources de complications et d’entretien du dysfonctionnement secondaire.
APPROCHES COMPORTEMENTALES ET SUPPLEMENTS NUTRITIONNELS DES MALADIES MITOCHONDRIALES
Outre les perspectives de thérapies géniques pour les PMD, les traitements des pathologies mitochondriales actuellement recommandés se répartissent en trois groupes :
Les agents pharmacologiques,
La supplémentation nutritionnelle en vitamines et cofacteurs,
Et la thérapie par l'exercice (15).
Les recommandations consensuelles de la Mitochondrial Medicine Society visent à normaliser les options de traitement pour les patients atteints de dysfonctionnements mitochondriaux (16).
En ce qui concernent les suppléments, il semble plus opportun d’éviter les « cocktails » au démarrage au profit d’un conseil objectivé par cible fonctionnelle relative à la manifestation prédominante (fatigue, myopathie, troubles immunitaires, santé mentale, infertilité etc.) complété par les évaluations biologiques de déplétions nutritionnelles.
Limiter l'oxphos défectueux
Les axes d’optimisation des agents pharmacologiques ou des suppléments nutritionnels visent à ce jour principalement l’amélioration du métabolisme énergétique et la protection antioxydante.
Les suivis les plus documentés font état de l'intérêt (17) :
Du coenzyme-Q 10 sous sa forme réduite (ubiquinol) (surveiller les taux plasmatiques ou leucocytaires),
De l'acide α-lipoïque (ALA) (en cas de troubles musculaires ou de myopathie),
De riboflavine B2 (synthèse de la flavine adénine dinucléotide FAD en cas de ralentissement du TCA), de la thiamine B1 en cas de déplétion,
De L-carnitine en cas de carence (métabolisme énergétique des acides gras),
D'acide folinique dérivé de l'acide folique aux patients déficients avec des troubles impliquant le système nerveux central,
De taurine (oxphos défectueux, troubles du système cardiovasculaire),
De vitamine E (protection des membranes internes).
Réguler la dynamique mitochondriale et favoriser la mitogenèse
Les prochaines stratégies prometteuses visent l'activation de la biogenèse mitochondriale et la régulation de la mitophagie et de la dynamique mitochondriale.
La coordination entre les processus de fusion et fission de la dynamique mitochondriale est contrôlée par plusieurs cascades de signalisation mutuellement régulées, l'une des plus importantes étant la cascade Nrf2/ARE. L'activation de Nrf2 semble être la piste la plus prometteuse dans le domaine des maladies neurodégénératives par la réduction du niveau de stress oxydatif et le maintien de la dynamique mitochondriale. Plusieurs polyphénols possèdent cette double propriété notamment la curcumine et la quercétine. Néanmoins, malgré un intérêt croissant pour cette voie de signalisation, il n'y a que quelques revues sur le rôle clé de Nrf2 dans la biogenèse mitochondriale et ses interactions avec le principal régulateur de la biogenèse mitochondriale, le PGC-1α (18).
La voie biologique qui contrôle la biogenèse mitochondriale repose en effet principalement sur un facteur de régulation co-transcriptionnel PPARγ-1α (PGC-1α). PGC-1α interagit avec plusieurs facteurs de transcription, notamment, au niveau nucléaire le facteur de transcription Nrf2 et les PPAR α, β et γ mais également les récepteurs liés aux œstrogènes (ERR) α et γ et avec le TFAM, facteur de transcription au niveau mitochondrial.
Dans les 2 cas, les processus sont dépendants du statut en hormones thyroïdiennes actives, la T3 (p43 / récepteur mitochondrial T3, TRα / nucléaire).
Pour aller plus loin dans le rétablissement d'une bonne biogenèse mitochondriale : l'activité de PGC-1α est augmentée par l'intermédiaire de différentes voies :
La voie du NO :
Les preuves préliminaires ont suggéré un effet plus puissant de la citrulline que de la L-arginine dans les épisodes de type AVC chez les patients MELAS,
La voie des SIRT 1 désacétylase nucléaire :
Elle utilise le nicotinamide adénine dinucléotide (NAD + ) oxydé pour désacétyler les résidus d'acétyl-lysine dans les protéines.
SIRT1 est activé par des niveaux cellulaires accrus de NAD+ en fournissant un précurseur de NAD, tel que le nicotinamide riboside.
Ces approches ont montré des effets bénéfiques dans des modèles animaux de myopathies mitochondriales.
Le resvératrol a également été décrit comme un activateur de la biogenèse mitochondriale dans des modèles animaux et dans des fibroblastes humains, sans augmenter les activités d'oxphos par un effet inducteur de SIRT1.
Sur le plan comportemental, l’activation de la SIRT1 résulte de la restriction calorique (et dans une certaine mesure, le jeûne intermittent).
La phosphorylation ou voie de l’AMPK :
L’AMPK protéine kinase activée par l'adénosine monophosphate (AMPc) est le pivot d'une voie de signalisation intracellulaire majeure dans la régulation des métabolismes énergétique, glucidique et lipidique.
L’activation de cette voie se fait en réponse à différents signaux captés par la cellule qui nécessitent une réponse adaptative économe en ATP.
L’activation de l’AMPK est particulièrement sensible à la diminution du ratio ATP/AMP, artificiellement « mimée » par la metformine qui n’est pourtant pas retenue comme agent pharmacologique pertinent (tout comme la berbérine, son pendant de supplémentation) dans les dysfonctionnements mitochondriaux (en raison de son interaction à long terme avec le TCA).
Sur le plan pharmacologique, c’est le ribonucléotide 5-aminoimidazole-4-carboxamide (AICAR), un analogue de l'AMPK qui a été utilisé pour augmenter les activités complexes de la chaîne respiratoire.
L’activation de l’AMPK par ailleurs est largement favorisée par des changements comportementaux tels que l’activité physique sur un modèle d’entraînement en endurance utilisé comme activateur de la biogenèse mitochondriale et signalé comme étant bénéfique et sûr chez les souris mutantes de l'ADN mitochondrial (ADNmt) et chez les patients atteints de maladies mitochondriales.
L’AMPK répond également à d’autres signaux physiques tel que le froid (intérêt des techniques de cryothérapies) et hormonaux notamment les incrétines produites en quantité correcte au niveau du tube digestif en respectant les principes d'une alimentation saine.
Enfin, associée à une supplémentation objectivée, la mélatonine constitue un soutien de la dysfonction mitochondriale et de ses conséquences notamment en cas d'origine infectieuse de par son effet régulateur sur l'ensemble de l'homéostasie mitochondriale (19).
CONCLUSION
Les mitochondries sont des pièces maitresses du puzzle cellulaire et d’incontournables phares de compréhension des troubles fonctionnels actuels et maladies chroniques.
L’actualité sanitaire nous a rappelé l’incroyable dimension pléiotrope de ces organites mais il n’est pas de vision microbiologique utile si elle n’est pas replacée dans le contexte environnemental et social auquel tout être humain est désormais soumis, de sa conception à sa mort.
Mais cela suppose de continuer à se former pour être en mesure de prendre en charge vos patients de façon personnalisée.
Vous retrouverez notamment des éléments complémentaires sur le sujet dans le module Module 8 - Dysfonctionnements immunologiques et métaboliques : Maladies chroniques
Marie-I. LODATO
Formatrice en Santé environnementale, Nutrigénomique et Sciences des plantes médicinales
Co-Responsable pédagogique Oreka Formation
Co-Conceptrice de la Nutrition Fonctionnelle Adaptative
1- Martin W.F., Garg S. & Zimorski V. (2015) Endosymbiotic theories for eukaryote origin. Phil. Trans. R. Soc. B370, 20140330.
2- Diamond T, Divito D, Savoca M et al. Nutrition rehabilitation-related complications in primary mitochondrial disorders. Nutr Clin Pract. 2021 Jul 16. doi: 10.1002/ncp.10739.
3- Dmitriy M Niyazov, Stephan G Kahler, Richard E Frye. Primary Mitochondrial Disease and Secondary Mitochondrial Dysfunction: Importance of Distinction for Diagnosis and Treatment. Mol Syndromol. 2016 Jul;7(3):122-37.doi: 10.1159/000446586.
4- ANSES. Evaluation du signal concernant la toxicité des fongicides inhibiteurs de la succinate deshydrogénase (SDHI). Rapport d’expertise collective. Saisine 2018-SA-0113-SDHI, Décembre 2018.
5- Paule Bénit et al. Evolutionarily conserved susceptibility of the mitochondrial respiratory chain to SDHI pesticides and its consequence on the impact of SDHIs on human cultured cells. PLOS ONE, le 7 novembre 2019. DOI : 10.1371/journal.pone.0224132
6- Chrois KM, Larsen S, Pedersen JS, et al. Acetaminophen toxicity induces mitochondrial complex I inhibition in human liver tissue. Basic Clin Pharmacol Toxicol. 2020;126:86–91. DOI: 10.1111/bcpt.13304
7- Vincent C. Hsieh, Elliot J. Krane and Philip G. Morgan. Mitochondrial Disease and Anesthesia. MD Journal of Inborn Errors of Metabolism & Screening. 2017 ;5:1–5. DOI: 10.1177/2326409817707770.
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10- Wesselink E, Koekkoek W, Grefte S et al. Feeding mitochondria: Potential role of nutritional components to improve critical illness convalescence. Clinical nutrition. 2019 ;38(3) :982-995. Doi :10.1016/j.clnu.2018.08.032.
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13- Inserm, le magazine n°52 - Syndrome de fatigue chronique : Une vraie maladie ? https://www.calameo.com/read/0051544501710fd07cf22
14- Pantiya P, Thonusin C, Chattipakorn N, Chattipakorn SC. Mitochondrial abnormalities in neurodegenerative models and possible interventions: Focus on Alzheimer’s disease, Parkinson’s disease, Huntington’s disease. Mitochondrion. 2020;55:14-47. doi : 10.1016/j.mito.2020.08.003.
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18- Artem P. Gureev, Ekaterina A. Shaforostova and Vasily N. Popov. Regulation of Mitochondrial Biogenesis as a Way for Active Longevity: Interaction Between the Nrf2 and PGC-1α Signaling Pathways. Front. Genet. 14 May 2019. doi:10.3389/fgene.2019.00435.
19- Virna Margarita Martín Giménez, Natalia de las Heras, León Ferder, et al. Potential Effects of Melatonin and Micronutrients on Mitochondrial Dysfunction during a Cytokine Storm Typical of Oxidative/Inflammatory Diseases. Diseases. 2021 Jun; 9(2): 30. doi: 10.3390/diseases9020030.
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