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Photo du rédacteurMarie Lodato

Fausse couche, nutrition et environnement

Dernière mise à jour : 11 janv. 2023

Dans le cadre de suivi de couples confrontés de plus en plus à des problèmes d’infertilité, se pose bien souvent le sujet douloureux de la fausse couche isolée ou à répétition.

La notion d’exposome au cœur de la santé de demain

Hormis les étiologies d’ordre mécanique (malformations congénitales, fibrome, adhérences post-infections ou post-interventions), cet article propose une revue des facteurs de risque et conseils associés à ce questionnement récurrent en entretien.


La fausse couche correspond à l’arrêt spontané d’une grossesse avant la 22ème semaine d’aménorrhée, soit 5 mois, « âge » de viabilité du fœtus.


Selon la date de début de grossesse, on distingue la fausse couche précoce (avant la 14ème semaine d’aménorrhée soit le premier trimestre) de la fausse couche tardive (entre la 14ème et la 22ème semaine d’aménorrhée).


Nous évoquerons dans cet article uniquement les facteurs de risque de la fausse couche précoce, cas le plus fréquent et entité que l’on peut associer aux échecs d’implantation rencontrés dans le parcours de PMA.


Sur le plan épidémiologique, le taux de fausses couches précoces semble probablement sous-estimé car certaines surviennent avant le diagnostic même de la grossesse.

Selon une étude longitudinale prospective (n =1244) on estime, au niveau européen, que la survenue d’une fausse couche précoce isolée concerne en moyenne 12 % des grossesses et concerne une femme sur 4 avant l’âge de 39 ans (1). Ces chiffres augmentent bien-entendu avec l’âge jusqu'à 25%.


Par ailleurs, les fausses couches spontanées répétées (FCSR), (femme de moins de 40 ans, présentant au moins 3 fausses couches spontanées consécutives avant 14 semaines d’aménorrhée) affectent en France environ 1 à 2 % des couples désirant une grossesse.  

 

SOMMAIRE




 

FACTEURS DE RISQUE LIÉS À L'ÉTAT D'IMPRÉGNATION DE LA MUQUEUSE UTÉRINE


Facteurs nutritionnels


Dans l’alimentation, la consommation quotidienne de fruits et de légumes frais dans les 3 mois précédant et suivant le début de grossesse diminuerait le risque de fausse couche précoce (2).


En matière de consommations néfastes, seul l’excès de café augmente de façon significative le risque de fausse couche pour une consommation dépassant 200 mg/j selon une étude prospective de cohorte (n =1 063) (3).


Sur le plan de la supplémentation nutritionnelle, malgré des résultats indéniables de méta-analyses en faveur d’une prévention en matière de mortinatalité, il n’existe pas de données suffisamment significatives permettant de conclure de l’intérêt d’un supplément multivitaminé (en dehors du fer et de l’acide folique) dans la prévention des fausses couches (4).


Néanmoins, le lien entre une déficience en nutriment durant la grossesse et risque de fausse couche n’est pas à écarter. Parmi les plus fréquents, notons que :


  • Les femmes enceintes manquant de zinc, de cuivre et de fer auraient plus de risques que les autres de perdre leur bébé selon le travail de chercheurs de l’Université de Grenade, en Espagne (5).

  • Les déficits en vitamine C, de part son rôle dans le développement placentaire sont significativement plus élevés chez les femmes à risque,

  • La carence en iode, outre la diminution de la fertilité, augmente le risque de fausse couche (6).

  • Le déficit en acide folique mais de façon générale en éléments nécessaires à une bonne méthylation (B6,B9,B12, donneurs de groupement méthyle de type méthionine, glycine, choline, bétaïne TMG) ; sur le plan biologique des niveaux élevées d'homocystéine sont corrélés aux taux de FCS (7) d'autant plus chez les femmes présentant un polymorphisme génétique sur le gène codant pour la MTHFR (mutation d'une base conduisant à une baisse d'activité de l'enzyme méthylène tétra-hydro folate réductase de 30 % à 80 % selon l'atteinte sur un ou 2 allèles).

En préconception, un bilan alimentaire ainsi qu’une évaluation biologique de biomarqueurs clés de la reproduction sont donc recommandés donnant lieu à des conseils personnalisés en entretien.

Facteurs immunologiques


En lien avec la santé thyroïdienne, outre la carence en iode, si un taux de TSH préconceptionnelle ≥ 2,5 mUI / L n’est pas associé à un problème de reproduction, des taux élevés d’anticorps anti-TPO sont corrélés à un risque accru de fausse couche et de mortinatalité (8).


Sur le plan immunitaire, citons plus rarement, le syndrome des antiphospholipides caractérisé par la présence d’anticorps plasmatiques responsables de thromboses et de complications de la grossesse dont des fausses couches à répétition notamment durant le 1er trimestre.


Par ailleurs, la réceptivité endométriale est fonction d’un profil immunitaire local équilibré et d’un microbiote vaginal adapté.


Les patientes présentant des échecs répétés d’implantation embryonnaire (Repeated Implantation Failure – RIF) et/ou des fausses couches à répétition (Repeated Miscarriage – RM) présentent souvent une dérégulation immunitaire au niveau de la muqueuse utérine et une présence inadéquate de certaines cellules immunitaires caractérisée par :


  • Une déplétion de cytokines avec défaut de réactivité immunitaire,

  • A contrario, un excès de cytokines avec défaut de modulation immunitaire.


L’étude de l’environnement endométrial repose sur un équilibre dans le processus de réceptivité utérine et devrait être théoriquement Th-2 dominant (angiogéniques et immunotrophiques) avec une mobilisation active de cellules natural killers (NK cells) matures mais non cytotoxiques (9).


D’autre part, la présence d’une infection vaginale n’est pas établie comme facteur de risque de fausse couche précoce contrairement aux fausses couches tardives. Néanmoins, certaines études font état d’une infection bactérienne vaginale associée à un sur-risque de fausse couche avec un risque significativement augmenté en présence de Gardnerella vaginalis, Ureaplasma urealyticum et Mycoplasma hominis (10).


Etant donné la variabilité du microbiote vaginal au cours du cycle et son impact sur l’imprégnation hormonale, les conséquences toucheraient également le degré de réussite d’implantation des embryons lors de FIV selon différentes études de WEE et coll. (Australian-NZ Journal of Obstetric and Gynecology 2017), HYMAN et coll. (Journal of Assist Reprod. Genetic 2012) ou encore de HAAR et coll. (étude prospective Human Reproduction 2016).


Comme dans de nombreuses atteintes fonctionnelles, le profil immunologique et microbiologique des patientes, devrait faire l’objet d’une évaluation a minima clinique voire biologique pouvant donner lieu à une supplémentation adaptée.

Facteurs hormonaux


La progestérone est sans contexte une hormone indispensable à l’implantation de l’embryon, justifiant son exploration sérique notamment chez les femmes à risque de fausses couches (11). Néanmoins les résultats d’un traitement à base de progestérone dans la prévention des fausses couches précoces restent encore discutés si ce n’est pour les fausses couches à répétition (12).


Si le surpoids est un facteur de risque de fausse couche à lui tout seul (un IMC maternel supérieur ou égal à 25kg/m2 est associé à une prévalence accrue (13), en cas de SOPK (Syndrome des Ovaires Polykystiques), cette fréquence pourrait être triplée (14).


L'hyperinsulinisme, facteur d’entretien fréquent dans les 2 cas, pourrait exercer un effet négatif en abaissant les taux de glicodelin et d'insulin growth factor binding protein-1 (IGFbp-1), deux protéines majeures de l'endomètre nécessaires à une bonne implantation (15).


D'autres mécanismes physiopathologiques pouvant expliquer la grande fréquence des fausses couches dans la population de SOPK ont néanmoins été invoqués comme l’élévation des taux de LH (16) ou encore la présence particulièrement élevée d’un facteur thrombophilique, le plasminogen-activator inhibitor type 1 (17).


Il est fréquent, causes immunologiques et hormonales confondues mais manifestations endothéliales d'observer des endomètres "fragilisés, minces et sensibles aux pétéchies et saignements" chez les femmes sujettes aux fausses-couches.


Enfin sur le plan hormonal, il est habituel dans un bilan préconceptionnel de vérifier les valeurs plasmatiques d’AMH (hormone anti-müllérienne), marqueur le plus sensible et spécifique de la réserve ovarienne et de réponse ovarienne à l’induction d’ovulation en cas de PMA (18). Mais cet aspect relève plus de la qualité des gamètes que de problèmes d’implantation.

Savoir déterminer un climat hormonal et le réguler par l’action conjointe de mesures de santé environnementale et de supplémentation est indispensable à l’accompagnement des troubles fonctionnels chez la femme.



FACTEURS DE RISQUE LIÉS À LA QUALITÉ DES GAMÈTES


Cet aspect dans la survenue de fausses couches doit interroger sur le « rôle » initial et précoce de la perte d’embryon. En effet, dans la population générale, 60 % des embryons humains sont aneuploïdes, avec la présence d’une monosomie (un chromosome en moins) ou une trisomie (un chromosome en plus) (19).


Aujourd’hui la qualité ovocytaire mais également spermatique, toutes deux corrélées aux fausses couches à répétition ou défaut d’implantation, sont à prendre en considération en fonction de l’âge et de l’exposition aux perturbateurs endocriniens, sans toutefois se substituer à l’équilibre naturel.


L’âge


Désormais, 21,3% des femmes ont plus de 35 ans quand elles accouchent et 4,1% plus de 40 ans. Or, après 35 ans, il existe un déclin de la qualité des ovocytes qui augmente significativement le risque d’infertilité et de fausses couches précoces. Stable entre 20 et 40 ans, le taux de ces dernières atteint 20 % pour un âge maternel de 35 ans, 40 % à 40 ans et dépasse les 70 % après 45 ans dans une étude de cohorte issue d’un registre danois (n =634 272) (20).


L’épuisement de la réserve ovarienne varie d’une femme à l’autre, selon le stock initial et la vitesse de l’atrésie des follicules, régulés par des gènes et des facteurs environnementaux.


Une réserve ovarienne altérée a été définie par l’ESHRE (European Society of Human Reproduction and Embryology) comme un compte de follicules antraux (CFA) < 5–7 et un dosage de l’hormone anti-müllerienne < 0,5–1,1ng/mL. Les anomalies ovocytaires, résultat d’une non-disjonction méiotique et de phénomènes de séparation prématurée des chromatides sœurs, sont signe d’une mauvaise qualité ovocytaire. Si leur augmentation est à mettre en relation avec l’âge des patientes, une réserve ovarienne altérée, indépendamment de l’âge féminin, est associée à un risque plus important de fausses couches (21).


La survenue d’une insuffisance ovarienne précoce (IOP) est même possible ; elle se caractérise par une spanioménorrhée ou une aménorrhée de 4 mois chez des patientes de moins de 40 ans ayant un taux de FSH dans les normes des femmes ménopausées sur 2 prélèvements successifs espacés d’un mois. Elle évolue de façon insidieuse sans signe annonciateur autre que des cycles plus courts (< 26 jours) et fausses couches à répétition.


Par ailleurs, on sait que la possibilité pour l’embryon de s’implanter dans l’utérus est directement corrélée à son potentiel énergétique mitochondrial notamment du fait d’une altération de ce même potentiel au niveau des ovocytes, gage d’une bonne fécondation et implantation. La supplémentation en Coenzyme Q10 a été expérimenté avec succès dans ce cadre ainsi que dans une démarche de PMA (22).


Outre la qualité ovocytaire (IOP, vieillissement ovarien), la qualité spermatique est également corrélée aux fausses couches à répétition. Dans certaines études, le sperme d'hommes dont les partenaires avaient été victimes de fausses couches répétées présente un ADN deux fois plus endommagé que le groupe témoin (23).


Selon les chercheurs, ces dommages à l'ADN pourraient être déclenchés par un excès d’espèces réactives d’oxygène (ROS en anglais) et de radicaux libres avec l’implication de plus en plus documentée des perturbateurs endocriniens dans ces mécanismes.


Facteurs environnementaux


Outre des facteurs de risque physiques (exposition aux champs magnétiques ou à des radiations ionisantes), une prévalence accrue de fausses couches précoces est associée aujourd’hui à des facteurs chimiques connus ou émergents.


Les conduites addictives telles que l’alcoolisme, le tabagisme ou encore l’usage de cocaïne majorent le risque de fausse couche en altérant la qualité des gamètes des deux parents.


Malgré un nombre important d’études disponibles sur la qualité du sperme en lien avec une exposition (notamment in utéro) aux perturbateurs endocriniens (dioxines, dérivés perfluorés, phtalates, BPA, malathion etc.), peu de données existent sur l’impact en matière de fausses couches, malgré les éléments précédemment cités concernant le stress oxydatif.


Chez la femme, l’exposition aux perturbateurs endocriniens (pesticides organochlorés, parabènes) est corrélée à la diminution du nombre d’ovocytes et à l’IOP. Le taux de fausses couches est associé au niveau d’imprégnation en phtalates (24) ainsi qu’en dérivés organochlorés tels que le DDT (dichlorodiphényltrichloroéthane) ou certains métabolites des PCBs (polychlorobyphényles) (25).



CONCLUSION


L’évaluation individuelle en matière d’exposition aux perturbateurs endocriniens et la proposition de mesures de réduction d’exposition est aujourd’hui une étape incontournable de l’entretien en préconception du couples infertiles et/ou confrontés aux fausses couches à répétition.


Cette évaluation de santé environnementale sera complémentaire des autres déterminants de santé nutritionnelle indispensable à une grossesse harmonieuse.


Marie-I. LODATO


Formatrice en Santé environnementale, Nutrigénomique et Sciences des plantes médicinales

Co-Responsable pédagogique Oreka Formation

Co-Conceptrice de la Nutrition Fonctionnelle Adaptative


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